Les Marquises, rideaux rouges dans la nuit noire

La carrière des Marquises a démarré à peu près en même temps qu’Amply (le premier album du groupe fut également mon premier article sur ce site, si je ne m’abuse !), aussi avons-nous eu l’honneur de pouvoir saluer chacune de leurs sorties ; d’autant que « Lost Lost Lost », « Pensée Magique » (sacré 2e meilleur album lyonnais de 2014 par nos soins), et désormais « A Night Full of Collapses » figurent tous trois parmi les meilleurs disques réalisés sous nos latitudes rhodaniennes.

L’album s’ouvre sur un titre surprenant et curieusement différent de ceux qui lui succèderont : Vallées closes est une superbe chanson dans la veine d’un Bashung période « Fantaisie Militaire », chantée en français par Jean-Sébastien Nouveau lui-même (la tête pensante du projet), qui jusqu’ici se retranchait régulièrement derrière d’autres voix que la sienne. Toutes cordes et marimba (!) dehors, composé comme une succession de montagnes russes pour trains fantômes, le titre se termine pourtant sur un étrange fade out, comme si cet album-là se terminait déjà pour en démarrer un autre. En bonne vedette américaine, Jean-Sébastien Nouveau fait la première partie de son propre album, puis cède la place à ses nombreux invités, parmi lesquels Matt Elliott, notre championne locale Agathe Max ou encore Olivier Mellano.

« A Night Full of Collapses » se mue alors en album de ballades ambient inquiétantes, bande-son idéale pour vos cauchemars ouatés. Bien moins percutant que son prédécesseur frénétique « Pensée magique », moins ambitieux aussi peut-être, « A Night Full of Collapses » n’en reste pas moins, comme chaque album des Marquises, un disque à la force évocatrice puissante, un de ces voyages imprévus qui s’immiscent en vous et vous changent à votre insu.

Enfin, ce n’est pas la première fois – ni la dernière – que je fais allusion à l’influence qu’a eu la bande originale si atypique de la série télévisée Twin Peaks sur nos artistes contemporains (et plus largement, son compositeur Angelo Badalamenti). Mais rarement cette influence n’aura été aussi palpable, tant les titres de « A Night Full of Collapses » semblent être autant d’improvisations bâties sur quelques-unes des 212* pistes entendues tout au long de la diffusion de cette série mythique. Comment ne pas penser au grandiose Into the Night de Julee Cruise à l’écoute de Feu pâle ?


Les Marquises : « A Night Full of Collapses », 2017 – Ici d’Ailleurs
en vinyle et CD sur Ici d’Ailleurs

* Cf. l’immense Twin Peaks Archive qui a vu le jour en 2011.