Mehdi Krüger par Denis Rivet

Ça commence par le hasard d’une rencontre. Nous sommes le 13 décembre 2014 lors du Festival des Villes et des Chants de Rillieux-la-Pape. Mehdi Krüger et moi sommes programmés le même soir à la MJC du Totem, en co-plateau avec Philippe Prohom. Je ne connais pas Mehdi. Je n’ai jamais écouté sa musique. Il m’apprend que son précédent projet musical s’appelait « Lee Harvey Asphalte ». Cela me dit en effet quelque chose, mais je n’ai jamais écouté. Je le découvre donc juste après mon set et je suis tout de suite saisi.

Car Mehdi Krüger vous attrape par la main dès les premières secondes pour ne jamais plus vous lâcher. Sa poésie « Spoken Folk » comme il la définit vous saute au cou et vous prend à la gorge. Mehdi Krüger et son guitariste Ostax ne « lâchent » rien. Ils montent sur la scène comme on monte sur un ring. Ils passent à l’offensive dès le premier round. Sans tour de chauffe et sans calcul, leurs chansons s’enchainent : direct du droit sur « Le jour se lève », crochet du gauche «Ma vénéneuse », uppercut au cœur sur «Le cerf-volant », vous laissant à peine le temps de reprendre vos esprits.

Et pourtant, de l’esprit, les chansons de Mehdi Krüger en sont remplies. Remplies de jeux de mots, de rimes pauvres ou riches, remplies d’allitérations et d’assonances, d’oxymores et de métonymies. Mais rien ici n’est laissé au hasard, pour la beauté du geste. La forme est toujours au service du sens. « La forme, c’est le fond qui remonte à la surface », disait Victor Hugo. Cette maxime résume bien les chansons de Mehdi Krüger. Des chansons en forme des pierres taillées, ciselées et serties qui roulent et se déroulent sans jamais transpirer le travail de l’artisan qui les a conçues.

A mi-chemin entre la chanson « rive gauche » et le rap « East Coast », entre la poésie et la prose, entre le flow et le refus, entre le plein et le vide, Mehdi Krüger est « entre ». D’origine allemande du côté de son père et algérienne du côté de sa mère, Mehdi vit en France. Entre ces deux pays d’origine, sa musique semble construite comme un pont entre ses deux cultures. Un pont fait de tolérance et de recherche de son identité sans jamais rejeter l’autre, animé par cette soif rare d’aller à la rencontre et à la découverte de ceux qu’il croise. « Activiste poétique », comme il dit, une plume à la main comme seule arme.

Je vous le disais au début de cette chronique, ça commence par le hasard d’une rencontre. Ça se poursuit par une invitation de ma part à partager ensemble deux titres sur scène en mars 2015 lors d’un de mes concerts puis par un titre enregistré en duo et qui sortira dans les prochaines semaines.

D’ici là, Mehdi Krüger sera en concert le jeudi 17 mars 2016 à 20h à la Salle des Rancy, dans le cadre du Festival « Les Chants de Mars ». Il profitera de l’occasion pour présenter les chansons de son premier album EP : « St-Germain-d’Après » qui sortira sous peu.

Denis Rivet

Pour aller plus loin : soundcloud.com/mehdi-krugermehdikruger.com